de l'idée à la CAO

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L’article

Pour moi, il y a en CAO plusieurs niveaux de compétence.

Le premier niveau est acquis avec une formation logicielle, en centre de formation ou en autodidacte. On est alors sensé être autonome sur le logiciel. On sait trouver les outils et l’on sait aussi reproduire des 3D que l’on a eu en exemple. Ceci est souvent suffisant pour produire des formes simples, c’est à dire dont le résultat est obtenu avec l’utilisation d’assez peu de fonctions solides et/ou surfaciques.

Dans un deuxième niveau, l’on est capable, par exemple, de produire sans exemple des 3D aussi divers que pourraient l’être une coque de rétroviseur, un cendrier, une pale d’éolienne ou une fourchette d’embrayage.Cela montre que l’on a, par rapport au premier niveau, fait preuve d’une démarche préliminaire vis à vis du projet et que l’on a une assez bonne vision de l’ordonnancement des formes même si l’on a qu’une aisance toute relative dans l’utilisation du logiciel.

La connaissance du logiciel CAO n’est donc qu’une étape dans cette chaine qui conduit de l’idée au modèle 3D et cette réflexion préliminaire fera qu’une personne saura s’adapter à une géométrie en produisant elle-même sa méthodologie de construction.

Les fiches méthodologiques

Mais pourquoi produire ses propres méthodes alors que l’on trouve de très bon exemples un peu partout ?

Les fiches méthodologiques, tout comme les tutoriels que l’on trouve sur le net, sont comme des bouées de sauvetage, du prêt à penser qui vous permettra de produire une pièce en 3D selon une méthode établie par quelqu’un d’autre.
Ici, nul besoin de réfléchir ou de chercher les bons outils, tout est dit.
Dans un sens, cela a du bon car cela permet de gagner un temps précieux si l’on a la chance de trouver un exemple approchant de ce que l’on doit modéliser mais ils restent spécifiques et répondent à un besoin précis.
Oui mais voilà, que faire si l’on ne trouve pas d’exemple ?

J’ai souvent rencontré, dans le monde professionnel des grandes entreprises, des dessinateurs ayant de l’ancienneté dans ce poste pourtant  incapables de produire un autre 3D que celui que leur bureau d’étude a en compte. On ne peut pas dire qu’il ne connaissent pas le logiciel de CAO sur lequel ils ont passé tant d’heures ni même qu’ils ne sont pas efficaces dans leur métier pourtant ils ne sauront faire autrement que de chercher une aide extérieure si on leur demande de dessiner une autre pièce.

Dans le métier de dessinateur industriel, il est donc vital de savoir se débrouiller seul et de produire ses propres méthodologies de modélisation 3D.

Une unité de fonctionnement parmi les logiciels CAO

Les logiciels de CAO sont aujourd’hui principalement des logiciels dits paramétriques présentant peu ou proue les même fonctionnalités.
Rien d’étonnant ici. Les logiciels CAO sont, comme tous les produits du marché, soumis à une concurrence sans pitié.  Si les interfaces homme/machine sont un peu différentes, les routines sont, elles, bel et bien basées sur la même famille de lois mathématiques.
Des lois mathématiques pour décrire les courbes dans l’espace et les surfaces, il y en a bien peu. alors par Darwinisme peut-être, tout ce petit monde s’est uniformisé.

On pourrait donc dire que les rouages des logiciels CAO sont globalement les mêmes et par conséquent que les fonctions, basées sur ces rouages se ressemblent comme deux gouttes d’eau.

Mon point de vue est qu’il n’y a pas de différence dans l’utilisation basique des logiciels de CAO paramétriques du moment. Les extrusion, révolutions, balayages,… se feront de la même façon avec les mêmes paramètres. Il suffit juste de s’habituer aux environnements de travail.

Si l’on fait une métaphore, on pourrait comparer le maniement des logiciels de CAO à celui des automobiles.
Si vous montez au volant d’une automobile du moment, quelque soit la marque, vous remarquerez que les commandes les plus importantes: les phares, les essuies glaces, le klaxon, le frein de parking, les pédales… sont positionnes aux même endroits. Tout ceci est devenu standard avec les années. Certaines choses du fait de la législation et d’autres simplement par le fait de l’évolution.

En CAO comme en automobile et sur d’autres produits, on a convergé vers un “dominant design” (un concept dominant). On ne sera donc pas tellement perdu en passant de SolidWorks à Inventor par exemple.

Au dessus de l’utilisation du logiciel

Le maniement du logiciel est une chose décomposable en fonctions (ou commandes) comme les opérations booléennes, les extrusions, les congés…
Ainsi les formations logicielles, basées sur la documentation de l’éditeur, s’efforcera de nous inculquer l’utilisation précise de chacune des opérations à l’aide d’exemple sans pour autant nous expliquer le cheminement de pensée qui nous a conduit à organiser de telle ou telle façon ce modèle.

En fin de formation, de retour au bureau, on se dit:

“Oui mais je m’y prends comment pour faire ma pièce ?”

Quelle est la meilleure méthode pour structurer mon modèle ? Par quoi je commence ? Dans quoi je mets ces éléments ? etc …

Autant de questions auxquelles la formation logicielle n’apporte finalement pas de réponse.

Pour moi, l’intérêt de la formation logicielle est de donner une vision globale des outils disponibles au sein du modeleur.

Cette culture qui est finalement souvent la même d’un logiciel à l’autre servira d’appui pour élaborer plusieurs stratégies de modélisation pour chacune des pièces à modéliser.

La véritable connaissance

Je pense qu’au delà de la connaissance du logiciel, il faut déjà avoir une culture générale concernant la modélisation 3D. Qu’est-ce qu’une courbe, une surface, un volume, un solide, les raccordements …?

A titre d’exemple, c’est également reconnaitre dans la pièce à modéliser, les formes qui la composent pour s’orienter vers la modélisation solide ou bien surfacique.
Avoir le soucis de simplifier au maximum la construction du modèle. Appliquer quelques conseils comme respecter l’ordre des opérations d’habillage ou l’assemblage de formes simples avec les opérations booléennes…etc…

Vous l’aurez compris, savoir utiliser un outil n’est donc pas suffisant pour faire un bon ouvrier.
D’ailleurs, ce n’est pas parce que l’on sait se servir d’une scie et d’un rabot que l’on est un menuisier.

Bien sûr, il ne faut pas oublier le coté métier, c’est un fait. La culture du produit est primordiale.
Le dessinateur se situera donc à la frontière entre l’intégration des contraintes du produit (conception du produit) et l’utilisation du logiciel (utiliser les fonctions du modeleur).
C’est lui qui devra trouver la bonne organisation au sein du logiciel pour représenter correctement son produit en faisant en sorte que tout soit bien organisé et facilement modifiable.

La véritable connaissance en CAO est donc cette aptitude à produire soi-même la meilleure “méthode de modélisation” pour que le modèle 3D soit représentatif de la pièce physique mais surtout pour que l’on puisse, sans perdre de temps, modifier le 3D dans un cycle de conception rapide.

Savoir s’adapter à la pièce à dessiner et surtout produire un modèle structuré fait toute la différence entre un “dessinateur” et un “bon dessinateur”.
Tout tient finalement dans cette étape de réflexion et d’analyse préliminaire au dessin associé aux connaissances théoriques de la modélisation 3D.
Pour l’employeur, c’est aussi la garantie de ne pas attendre deux ou trois jours pour une évolution de son produit mais seulement quelques dizaines de minutes voire quelques heures.

Cet article est terminé, j’espère qu’il vous aura plu.
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Je vous dis à très bientôt sur le blog pour un nouvel article.

Vincent

2 Responses

  1. Excellent podcast, en tant qu’autodidacte et pas du tout du métier (électrotech, de base), j’ai commencé la 3D à la fin des années 90 avec POV et des modeleurs très primitifs (Midnight Modeler si ma mémoire est bonne), pour évoluer ensuite sur du Lightwave, du 3Dstudio, puis du 3D Studio Max, du Rhino, du Blender, un peu de Maya, avant de laisser tout cela de côté durant très longtemps. Jusqu’au jour où pour des besoins personnels j’ai eu la nécessité de me remettre à modéliser, avec de nouveaux outils, et c’est là que j’ai découvert le monde merveilleux de la CAO. La plupart des cours que l’on trouve sur le net, notamment via Youtube, sont pourvus d’un objectif et d’étapes de modélisation mais très rarement de méthodologie et de sa logique sous-jacente. J’ai pu constater mes dépends en découvrant la modélisation paramétrique toute la difficulté de cette approche : qu’il ne suffisait pas d’arriver à ses fins pour qu’un modèle soit bon mais que tout était dans l’approche afin de conserver le plus de flexibilité pour corriger le modèle si besoin, et c’est là toute la difficulté de l’exercice ! Trouver l’approche la plus générique et malléable. Ainsi s’opposent 2 choses : le design, et la conception. Même si le design ou dessein/dessin (l’orthographe ne variant que pour 2 acceptions légèrement différentes) est perçu comme une référence de nos jours, le terme convient aux dessinateurs, et non aux ingénieurs ou concepteurs, et l’on retrouve cette différence de point de vues dans le lexique en usage. Ainsi le C.A.D anglophone n’est pas la C.A.O francophone. 2 idées s’affrontent et la seconde expression est souvent prise à tort pour celle de la première. Le « computer aided design » ou dessin assisté par ordinateur, n’est pas du tout la « conception assistée par ordinateur ». La langue française est précise, délicate. De nos jours c’est la pratique du C.A.D qui est en vigueur : au manipulateur incombe la tâche de la conception qui n’est en rien assistée, il s’agit donc de « conception sur ordinateur », un principe totalement différent. A ce jour, aucun logiciel n’analyse et n’interprète les concepts à un degré suffisamment élevé pour guider le concepteur en lui suggérant des solutions. Il faudrait que les logiciels intègrent des définitions sémantiques de concepts, comme par exemple « qu’est-ce qu’un trou ? », « un pied ? » (duquel on peut dériver celui de trépied), « un bras ? », « un support », etc. C’est à dire les choses en soi, dans leur essence, indépendamment de leur formes et dimensions, ou manifestations pour faire court. Le jour où nous y parviendrons nous aurons alors des logiciels capables d’analyser un objet par sa forme et d’en déduire à quelle famille appartient-il, quels sont les concepts qu’il embarque, à quel champ d’applications se destine-t’il, que peut-on faire pour l’améliorer, en corriger ses défauts… Nous passerons de l’analyse à la synthèse et inversement, seule voie pour inventer véritablement sur nos logiciels et non plus nous contenter d’y faire du dessin, fut-il en 3 dimensions. Ce jour là nous ferons vraiment de la C.A.O.
    Le chapitre « préliminaire » de l’ouvrage « Conception et Calcul des Machines-Outils – Volume 1 : Généralités, Morphologie, Plan général » de François Pruvot est éclairant à ce sujet.

    • Bonjour,
      Merci pour ce commentaire,
      Je suis content de constater que des lecteurs partagent ce point de vue.
      Vous l’expliquez fort bien, en effet tout l’art est de modéliser intelligemment pour garder cette flexibilité dans le modèle 3D indépendamment du logiciel utilisé. Ceux-ci étant de nature paramétrique, un regard sur la topologie de la pièce ainsi que sur ses fonctions nous permettra d’organiser le modèle avec logique = Gain de temps pour les itérations.
      Même si les logiciels évoluent, nous sommes encore assez loin de cet idéal de reconnaissance de formes et de fonctions. Il nous faut aujourd’hui faire cela mentalement et adapter à l’outil de modelage numérique. J’espère que mon article et votre commentaire aideront les lecteurs à saisir ce concept majeur.
      Nous pouvons tout de même nous réjouir aujourd’hui de l’avènement de l’impression 3D, de l’optimisation topologique ainsi que de la naissance du modelage en réalité virtuelle à l’aide de gants instrumentés.
      Merci pour la référence de l’ouvrage.
      à Bientôt

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